Pour le droit à la santé sexuelle des jeunes majeurs
Les droits des jeunes majeurs à vivre leur sexualité dans la plénitude, ne sont plus les mêmes que lorsqu’ils étaient mineurs. Ils le constatent lorsqu'ils se rendent dans un Centre de planification pour leur contraception et la prise en charge éventuelle de leurs Infections Sexuellement Transmissibles (IST). La prise en charge de leurs droits n'est pas assurée, contrairement à la loi. Un article du Dr Philippe Nottin.
Le présent texte a été rédigé par le docteur Philippe Nottin, gynécologue-obstétricien, qui fut membre du Cercle Condorcet de Bourges. Nous le reproduisons avec son aimable autorisation. Son expérience de praticien au Centre de planification et d'éducation familiale de Bourges l'a amené à soutenir beaucoup de jeunes majeurs.
Si les lois sur les droits à vivre l’amour ont évoluées théoriquement, elles ne sont pas appliquées de la même façon pour tous. Ces lois affirment nos droits orthogéniques. Les droits orthogéniques sont les droits à bénéficier d’une méthode de maîtrise de la fécondité (contraceptions...), d’une IVG, d’un diagnostic d’IST avec sa thérapeutique, d’une prévention. Ces droits sont normalement garantis aux mineurs. Mais ils ne sont pas reconnus concrètement aux jeunes majeurs.
Proposé par Roselyne Bachelot en 2009, il existe un dispositif législatif de prévention. Il s'applique théoriquement pour les garçons et les filles de 16 à 25 ans: droit à la contraception gratuite, prise en charge des conséquences de leurs éventuelles prises de risques, informations sur attitudes à adopter lorsqu’une grossesse est envisagée.
Il fallut attendre 2016 pour que le principe de financement à 100% par la Sécurité sociale de la contraception gratuite et sous le secret. Ceci impliquait que ce financement soit intégré dans les logiciels de l’Assurance Maladie. Or il le fut seulement qu'au bénéfice spécifique des 15-17 ans. Les jeunes majeurs, âgés de 18 à 25 ans sont de fait privés de leurs droits à la santé sexuelle !
Mon expérience au Centre de planification ou d’Education familiale de Bourges prouve que cette prise en charge est possible. Depuis dix ans, le CPEF accueille un tiers de mineurs et deux tiers de majeurs. Il a pu mettre en place un dispositif innovant d’accès à ces prestations orthogéniques pour toutes et tous. Il est financé à 100% grâce à une convention quadripartite : entre la Caisse Départementale d’Assurance Maladie du Cher, le Conseil départemental, le Syndicat des Pharmaciens et à l’Association des dix Laboratoires de Biologie du Cher. Un numéro d’anonymisation était attribué à toutes les personnes : mineures, majeures, et sans protection sociale. Ce dispositif était autonome et non intégré dans les logiciels de la télétransmission de la Caisse nationale d'assurance maladie.
En juin 2019, l’obligation d’indiquer sur les ordonnances des prescriptions contraceptives la mention discriminante de « mineure » avec la date de naissance, mit en évidence la non reconnaissance des droits des jeunes majeurs à la gratuité. Devenir majeur déclenche désormais une perte de droits reconnus aux mineurs.
Nous savons que 50% des jeunes ont des relations sexuelles suivies après 17 ans. Avec un haut risque de fécondation et de contamination par les IST. Depuis trois décennies, nous savons qu’il faut proposer en particulier le dépistage d'une bactérie dénommée Chlamydia trachomatis. Elle peut rendre stérile. Cette tranche d’âge qui va jusqu'à 25 ans constitue une période de grande vulnérabilité orthogénique. Nous devons garantir à tous l’accès à la contraception gratuite et le secret existant pour les mineurs.
L’incohérence de la politique d’accès à la contraception efficace, gratuite et anonyme vis-à-vis des jeunes majeurs, se traduit par un taux plus élevé d’IVG (27 IVG pour 1000 femmes) par rapport à toutes les tranches d’âge. Il est indispensable que la Caisse Nationale d’Assurance Maladie rétablisse les jeunes majeurs dans leurs droits, comme nous l'avons fait pendant dix ans au CPEF de Bourges.
Nous voulons faire un rêve en ce Printemps 2020.
Nous sommes dans le déconfinement, nous voulons sortir du cauchemar de ce Covid 19. Nous savons que des millions de jeunes de la planète sont unis pour que soit la Justice et veulent Vivre l’Amour. Nous voulons rêver qu’il soit possible d’étendre les droits des mineurs à tous les jeunes majeurs et à ceux qui sont privés de droits par les précarités de la vie. Nous voulons rêver que la CNAM est capable de financer les préventions plutôt que les conséquences des immobilismes et des interdits.
Dr Philippe Nottin, Directeur du CPEF de Bourges. Administrateur honoraire de la Ligue de l’enseignement. Ancien Chef de service de Gynécologie-obstétrique à l’hôpital de Vierzon. Ancien membre du Conseil Supérieur de l’Information Sexuelle et de la régulation des naissances.
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