La fête du sacrifice (Aïd al-Adha en arabe) est la plus importante fête musulmane. Elle est également appelée "grande fête" (Aïd el-Kebir). Elle se déroule à la fin du pèlerinage à La Mecque, sur plusieurs jours dans les pays musulmans. En France surtout la première journée : cette année le 11 août. Prés de 200.000 moutons sont abattus à cette occasion. Cette tradition reste forte chez les musulmans de France, même si un autre animal (ovin ou bovin) peut être sacrifié ou si le sacrifice peut être remplacé par un don à des pauvres. Les abattoirs ne suffisent pas pour faire face à un telle demande. Une circulaire interministérielle du 28 mai 2019 rappelle le cadre réglementaire et les conditions d’agrément des abattoirs temporaires autorisés à fonctionner durant trois jours. Le ministère de l'Agriculture propose un dossier en ligne sur l'abattage rituel. Il a publié avec le ministère de l'Intérieur un Guide Aïd el Kebir Modalités d'organisation et d'encadrement de l'abattage
En Eure et Loir l'événement est suivi par Valérie Baudouin, journaliste à l’Echo républicain. Nous renvoyons ici vers plusieurs de ses articles. Elle décrit la mise en place d’un système de gestion de l'événement par les pouvoirs publics. La législation n’autorise pas l’abattage privé par les chefs de famille. Les amendes peuvent aller jusqu'à 3.000 euros par infraction et sont cumulables. Un marché au vif avec 1200 moutons, doté d’un abattoir mobile, perdure à Dreux. Il est cette année installé Chemin du Châtelet. Une trentaine d’abattoirs temporaires sont ainsi autorisés. Celui de Dreux a été mis sur pied par Gérard Lacroix, sous-préfet de Dreux de 2003 à 2007, avec la municipalité et les services vétérinaires, en concertation avec l'Union des citoyens musulmans de Dreux. Wassim Kamel, actuel sous-préfet, poursuit ce travail. Christian Du Plessis est l'éleveur chargé de la mise en œuvre. Cette configuration est bien conçue. Les musulmans peuvent suivre leur religion dans le cadre de la loi républicaine. Les pouvoirs publics veillent à une bonne mise en œuvre. Les gendarmes n’ont saisi cette année qu'une dizaine de moutons transportés clandestinement. Ce dispositif a été installé en 2005. Bien entendu il n’y a pas de financement public.
Photo: L'Echo républicain
Cette fête est l’occasion d’affirmer de façon plus générale les positions laïques en matière d’alimentation. Il faut d’abord clairement rappeler que chacun se nourrit comme il l’entend. Pourtant les prescriptions et interdits religieux peuvent avoir un impact sur l’ensemble de la société. Beaucoup de médias et de réseaux sociaux évoquent régulièrement l’abattage rituel, qui se fait sans étourdissement des animaux, avec des images cruelles. La sensibilité à la souffrance animale est croissante. Cette question concerne la religion musulmane, mais aussi la religion juive. De plus le halal et le casher ne se limitent pas à l’abattage et sont devenus des marchés en expansion. Un débat public rationnel est nécessaire. Il s’agit d’avoir les idées claires. Et pour cela d’établir des faits, de poser les bonnes questions et d’apporter des réponses précises conformes au droit positif et aux valeurs républicaines.
Vers un débat public
Donnons d’abord quelques chiffres. Le cabinet Solis, qui propose des études marketing « sur les cibles issues de la diversité multiculturelle », et le Groupe Xerfi, spécialisé dans les études économiques sectorielles, estiment le marché du halal en France à 5,5 milliards d’euros. Soit autant que les marchés de la pizza ou du bio. Pour ce qui est du marché du casher, c’est le Bureau des affaires agricoles de l’ambassade des États-Unis à Paris qui propose une estimation : 380 millions d’euros. Si ces chiffres sont parfois discutés, c’est l’ordre de grandeur qui nous intéresse ici. Il est important et en expansion, même s’il est bien évident que toutes les personnes se définissant comme musulmanes ou juives ne suivent pas les prescriptions alimentaires des deux religions.
Face à ces faits massifs, trois questions précises se posent du point de vue laïque. La première est celle de la taxe religieuse que les collectivités locales et les associations laïques proposant de la restauration collective ne doivent pas acquitter. La deuxième est celle de l’étiquetage de la viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement. La liberté de conscience de chaque citoyen exigeant que celui-ci aie droit à l’information sur la nourriture qu’on lui propose. La troisième question est celle du contrôle de la dérogation accordée à l’abattage rituel, indûment et trop largement utilisée par nombre d’abattoirs.
La taxe d’abattage
Des représentants des cultes se chargent des procédures d’exécution, de certification, de contrôle des produits et des procédures des abattoirs jusque dans les commerces et les restaurants. Dans chaque pays le contrôle de la cacherout est organisé. En France le Consistoire de Paris joue le rôle principal. Son tribunal, le « Beth Din », appose son label KBDP (Casher Beth Din de Paris). Depuis les années 90, la grande mosquée de Paris, la mosquée d'Évry et la mosquée de Lyon sont agréées pour habiliter des sacrificateurs. Des organismes de certification se sont créés et se sont multipliés. La question de la taxe rétribuant la certification est posée. Son montant varie de 0,10 € et 1 € par kilo. La certification casher, ayant mis sur pied une organisation importante, est la plus coûteuse. Le montant global de cette redevance versée par les abattoirs aux organismes de certification (halal et casher confondus) approcherait des 50 millions d’euros par an. Elle constitue la moitié du budget du Consistoire de Paris. Elle est très diversement répartie entre les divers organismes de certification musulmans. Sa perception est devenue un enjeu de pouvoir.
Cette taxe ne doit pas être payée par les collectivités locales et les associations laïques. Elles ont en conséquence élaboré une organisation de la restauration collective ouverte à tous grâce à la diversité des menus. Cette organisation respecte le principe laïque de non subventionnement des cultes, par obligation légale pour les premières, par choix politique voire philosophique pour les secondes. Elles ne recourent pas aux filières halal et casher pour ne pas financer un culte. La mise en œuvre concrète de ces dispositions fait l’objet d’une brochure publiée en juillet 2016 par la Ligue de l’enseignement « Laïcité et restauration collective des enfants et des jeunes ». L’accent y est mis sur la volonté d’inclusion. Pour ce faire il faut mettre sur pied un service cohérent avec la législation générale, cette option politique d’ouverture et le respect de la laïcité. Cette brochure est un guide concret de mise en œuvre dans la vie quotidienne. Les mêmes dispositions se retrouvent dans le vade-mecum Laïcité publié par l’Association des maires de France (AMF) en novembre 2015.
Etiquetage : le droit à l’information
Depuis 2014 les animaux domestiques sont reconnus comme des « êtres vivants doués de sensibilité » dans le Code civil. C’était depuis longtemps le cas dans le Code rural et dans le Code pénal. L’intérêt croissant porté à la souffrance animale se traduit par des actions concrètes (contre la castration à vif des jeunes porcs ou la chasse à courre) et des revendications précises. L’une des principales porte sur le fonctionnement des abattoirs. Une commission d’enquête parlementaire a été constituée en mars 2016. La question spécifique de l’abattage rituel est reconnue comme légitime. Elle est soulevée depuis des années par toutes les associations de défense des animaux, en particulier l'Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs (OABA). Celle-ci est la seule à disposer d’un pouvoir d’inspection dans ces lieux.
En 2011 huit organisations de protection des animaux se sont réunies pour lancer une campagne d’information et exiger un étiquetage. Un site est dédié à cette campagne www.abattagerituel.com Ces associations veulent une information des consommateurs. Ceux-ci sont des citoyens qui ont le droit de choisir la viande qu’ils consomment en connaissance de cause. A ce jour les étiquettes des viandes bovines et ovines peuvent comporter le nom du morceau, le poids, le prix au kilo, le prix net, la date d’emballage, la date limite de consommation, le numéro de lot, le lieu d’abattage, le numéro d’agrément de l’établissement de découpe, le lieu de naissance, le lieu d’élevage. Mais toujours pas le mode d’abattage. Une simple mention est demandée « Viande provenant d’animaux abattus avec étourdissement ». Ce droit à la transparence fait partie de la liberté de conscience des personnes qui se donnent des devoirs à l’égard des animaux.
La dérogation religieuse et ses abus
Quelle est la réglementation applicable ? En Suède, en Norvège, en Suisse, au Lettonie, en Islande… l’étourdissement est une obligation générale. Il n’y a pas de dérogation. La réglementation européenne (à caractère non obligatoire pour les pays membres) reprend cette obligation, tout en accordant une dérogation pour l’abattage rituel. Les mêmes dispositions (obligation d’étourdissement avec dérogation) existent en France, inscrites dans l’article R 214 du Code rural. Un problème est constamment évoqué par les associations. La dérogation accordée est devenue disproportionnée : l’abattage sans étourdissement se présentant selon le mode rituel halal et casher excède très largement la consommation par les pratiquants des deux religions concernées. Un décret du 28 décembre 2011 impose pourtant aux abattoirs autorisés à mettre en œuvre cette dérogation « un système d'enregistrements permettant de vérifier que l'usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales qui le nécessitent ».
Cet état de fait est reconnu par le Comité permanent de coordination des inspections (COPERCI) en 2005. Pour une consommation « religieuse » évaluée à 7 % de la production, 80 % des ovins, 20 % des bovins et 20 % des volailles sont abattus sans étourdissement. Et ce calcul est revu à la hausse à deux reprises. Une enquête du Ministère de l’Agriculture effectuée en 2007 fait état d’une proportion d’animaux abattus en mode rituel dans toute la France de 32 %. Selon un audit confidentiel rédigé par des experts et hauts fonctionnaires du Ministère de l’Agriculture remis en novembre 2011, rendu public par « Le Point » le 07 Mars 2012, 40% des bovins, 58% des ovins, 26% des veaux et 22% des caprins ont été abattus en mode rituel, soit 51% des animaux. La dérogation tend à devenir la règle, les raisons économiques tentant de se justifier par les raisons religieuses. Le décret du 28 décembre 2011 doit être appliqué. Les conflits locaux, les controverses mal gérées, les arrière-pensées… foisonnent sur ce sujet. Il fait partie des fameux sujets qui fâchent, et qui, donc, doivent trouver des solutions concrètes grâce à des échanges rationnels. La paix civile se construit chaque jour. La laïcité en est une des principales garantes.
DR: Kastet,vétérinaire et dessinateur. Son blog: http://kastet.over-blog.net/
Histoire populaire de l'Eure-et-Loir
Le Cercle Condorcet-Viollette propose en ligne l'Histoire populaire de l'Eure-et-Loir
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