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Maurice Viollette, un humaniste en politique

Maurice_Viollette_1929 (1).jpgNous constatons aujourd’hui une crise de confiance à l’égard des femmes et des hommes politiques. La vie politique comporte certes des aspects ingrats voire des tentations inciviques. Pourtant, un grand nombre de citoyens assument des charges publiques en illustrant un certain humanisme. La vie et l’œuvre de Maurice Viollette en constituent un remarquable exemple. Celui d’un humaniste qui a toujours mis en harmonie ses idées et ses actes.

La littérature qui lui est consacrée est hélas réduite et un peu ancienne. Elle doit tout à Françoise Gaspard. Celle-ci connaît fort bien l’histoire de Dreux pour avoir été sa maire. Elle s’est prise de passion pour le personnage de Maurice Viollette. Au milieu des années 80, elle a fourni le texte d’une exposition et organisé un colloque qui lui sont consacrés. De plus elle a réuni une centaine d’éditoriaux rédigés par son héros. Le catalogue de l’exposition, les actes du colloques et le recueil d’articles, tous publiés en 1985, sont, semble-t-il, les seuls livres disponibles sur Maurice Viollette. Fort heureusement ils sont de grande qualité.

Maurice Viollette est issu d’une longue lignée enracinée localement. Aussi loin qu’on puisse remonter dans son arbre généalogique, on ne trouve que des Beaucerons tant du côté maternel que paternel. Il est né à Janville, en Eure-et-Loir, le 3 septembre 1870, deux jours après la défaite de Napoléon III à Sedan. maison_maurice-viollette-2.jpgSa maison, qu'on peut visiter à Dreux, offre une image de son vécu. Dans un petit opuscule intitulé tout simplement « Notes », qu’il a rédigé pendant l’occupation allemande, il écrit « Dans mon petit patelin, je suis venu apporter la République ».  Et il aura effectivement une belle carrière de citoyen et d’élu républicain. Mort en 1960, à 90 ans, il compte 62 ans de mandat électif. Il a été maire  de Dreux pendant 51 ans, conseiller général pendant 56 ans, président du Conseil général pendant 40 ans, parlementaire pendant 36 ans. Et quatre fois ministre ! Il s’agit certainement d’un record en matière de  longévité  politique et en matière de cumul des mandats. Maurice Viollette avait la politique dans le sang, mais une certaine politique. Il écrivait « Il y en a qui naissent chouan, moi je suis né bleu ». Donc un républicain fièrement revendiqué.

Maurice Viollette fut un franc-maçon très actif. Initié à l’âge de 23 ans il s’investira jusqu’à son décès. Il fondera à Dreux une loge qui porte le nom de « Justice et Raison ». Contrairement à une idée répandue, il n’a jamais appartenu à un parti radical. En revanche il s’est toujours revendiqué socialiste, mais socialiste indépendant. Il fait partie de ceux qui n’ont pas rejoint la SFIO, Section française de l’internationale ouvrière, qui unifié en 1905 la plupart des partis qui se réclamaient du socialisme. Pour être précis, Maurice Viollette fut républicain socialiste. Il fit partie des dirigeants du peu connu Parti républicain socialiste. Il associait les grandes conquêtes de la Révolution Française à la volonté de donner au peuple prospérité, dignité et liberté. Bref Maurice Viollette se battait pour la République sociale. Bien qu’il ait subi deux agressions physiques, sa bataille fut celle d’un élu. Il s’est présenté à 34 élections diverses et variées. Il a élu 30 fois !

Maurice Viollette a combattu par le verbe. C’était un remarquable orateur. Et il a combattu par l’écrit. C’était un brillant éditorialiste. C’est parmi quelques 3000 éditos que Françoise Gaspard a choisi la centaine qu’elle a publié. Elle y relève la clarté du style, avec des phrases brèves et des formules percutantes. Ces articles sont presque tous à caractère politique. A part le petit fascicule intitulé « Notes » mentionné plus haut, Maurice Viollette a toujours écrit en direction de ses administrés. Il a écrit dans la presse socialiste. Et bien sûr surtout dans « L’Action républicaine » qu’il a fondé en arrivant à Dreux. Il arrive à Dreux après un détour de quatre ans à Paris et à Chinon. Il a été étudiant en droit, avocat et collaborateur d’Alexandre Millerand le premier socialiste à avoir participé à un gouvernement bourgeois. Avocat, Maurice Viollette plaide pour des syndicalistes, des bourses du travail, il défend des grévistes.

Un grand républicain

m.viollette_par_louis_plumont_huile_sur_toile.jpgMais c’est surtout comme élu qu’il va donner sa mesure. Un tableau de Louis Plumont, une huile sur toile, donne une idée de sa prestance. Il va mettre en œuvre ce qu’on appellera le socialisme municipal. Son œuvre est une œuvre pour le peuple. L’éducation et la formation sont ses priorités. Cela passe par l’Ecole de la République, ses maîtres comme ses bâtiments, les cantines et les colonies de vacances. L’éducation populaire avec la fondation du Cercle laïque de Dreux et d’une Université populaire. La construction de logements sains et abordables est une autre de ses priorités. De même la santé avec la construction d’un hôpital, d’un préventorium et d’un  sanatorium pour lutter contre la tuberculose encore endémique. Il est un partisan résolu de la gestion municipale et exploite en régie municipale le captage et la distribution de l’eau, ainsi que celle du gaz et de l’électricité. Il ira plus loin en créant pendant la première guerre mondiale une boulangerie et une boucherie municipale. Au parlement, il sera présent, aussi bien comme député que comme sénateur, sur la plupart des questions sociales.

Projet_Viollette (1).jpgMaurice Viollette reste surtout connu dans le grand public pour son action en faveur des indigènes –comme on disait à l’époque- d’Algérie. Député ou sénateur, il prendra régulièrement parti pour un traitement digne des colonisés. Rapporteur du budget des colonies en 1910, il dénonce la rapacité des colons en Indochine. Cela lui vaudra même d’être provoqué en duel. Duel évité de justesse. En Afrique Equatoriale il découvre qu’une compagnie, la N’Goko Sangha, qui cache derrière le commerce de caoutchouc une importante contrebande d’armes et de poudre.  Il est acquis à l’idée d’une assimilation progressive. Dès 1915 il dépose une proposition de loi en ce sens. En 1925, il est nommé gouverneur général de l’Algérie. Malgré l’hostilité de plus en plus grande des colons, il tiendra ce poste deux ans durant lesquels il tentera de mettre en œuvre un programme de justice sociale et d’instruction. Et en 1936, ministre du Front Populaire, il met sur pied avec l’appui de Léon Blum un projet d’accession à la nationalité française pour environ 20.000  Algériens « de souche ». En 1870 un décret d’Adolphe Crémieux avait accordé la nationalité française à tous les juifs d’Algérie. Le projet de Maurice Viollette est plus modeste. Les musulmans étant à l’époque sept millions. Ce projet visait une assimilation progressive de l’élite algérienne. Il rencontra l’hostilité des colons bien sûr, mais aussi des anticolonialistes (notamment les communistes) et des premiers patriotes algériens qui commençaient à militer pour l’indépendance. Le projet est un échec. On en mesurera les conséquences vingt ans plus tard.

260px-Moulin_Harcourt_1937.jpgArrive la guerre. Le 14 juin 1940, Jean Moulin était à Dreux. Il est préfet d’Eure-et-Loir et sera arrêté trois jours plus tard par les Allemands. La ville a été bombardée quelques jours plus tôt. Jean Moulin écrit dans son journal : « Je regarde Viollette, assis à mes côtés. C’est sa ville qui, demain, dans quelques heures peut-être, va être livrée à l’ennemi ; c’est cette ville qu’avec parfois une poigne un peu rude, il a dirigé pendant trente ans. Il n’est pas de quartier, pas de rue, pas un coin de terre qui ne lui doivent quelque chose. Ses adversaires disaient de lui « qu’il avait la maladie de la pierre ». Et c’est vrai. Il a bâti, bâti sans arrêt, des hôpitaux, des maternités, des écoles, des sanas, des cités ouvrières… Maintenant que nous roulons dans des rues semées de ruines, face à cette œuvre de destruction systématique, je pense qu’il est beau d’être accablé du nom de bâtisseur ».

L’intégrité et l’engagement républicain de Maurice Viollette lui vaudront d’être révoqué de ses fonctions de maire de Dreux par le gouvernement de Vichy dès le 11 décembre 1940. Il est arrêté à son domicile et conduit en résidence surveillée à Redon, en Ille et Vilaine, puis à Paris. Il rentre clandestinement à Dreux quelques jours avant la libération de la ville. Il reçoit triomphalement le général de Gaulle à Chartres le 23 août 1944. Il reprend, à 75 ans, une activité politique. Il est réélu maire de Dreux, conseiller général et président du conseil général, puis député en 1946. Il meurt en 1960, toujours conseiller municipal de Dreux. L’année précédente, il était encore député...

Sources

Françoise Gaspard

  • (dir.), De Dreux à Alger, Maurice Viollette 1870-1970, Paris, L'Harmattan, 1991.
  • Maurice Viollette, homme politique et éditorialiste, Pontoise, Edijac, 1986.
  • Maurice Viollette, Un homme, Trois Républiques, Musée de Chartres, 1985.

Histoire populaire de l'Eure-et-Loir

Le Cercle Condorcet-Viollette propose en ligne l'Histoire populaire de l'Eure-et-Loir 

cercles_condorcet_RVB_couleur.jpgLes Cercles Condorcet sont affiliés à la Ligue de l'enseignement. Mouvement d'éducation populaire laïque, la Ligue est une confédération réunissant des Fédérations départementales, dont celle d'Eure et Loir.  La Ligue est aussi un mouvement d'idées. Les initiatives des Cercles sont accompagnés par une édition "Cercles Condorcet" sur Médiapart. La Ligue anime également une édition "Laïcité". 

Commentaires

  • J'ai rencontré ( de loin) Maurice VIOLLETTE qui présidait la remise des prix aux élèves du Collège Rotrou. J'en ai gardé un souvenir toujours vivace et c'est en m'inspirant de lui surtout que j'ai rejoint le Grand Orient de France il y a maintenant 45 ans !
    Il se promenait dans Dreux et était au contact de ses concitoyens. J'ai, comme beaucoup de jeunes drouais bénéficié des colonies de vacances qu'il avait initiées et surtout l'avant-dernière : Habère Poche.
    Le jour de son enterrement, je débutais les études d e médecine, j'ai été "réquisitionné" à l'hôpital pour participer à faire face à une éventuelle attaque terroriste contre le cortège. Heureusement il n'en fut rien. Il faut noter que dans le cortège figuraient des drapeaux algériens.

  • J'ai rencontré ( de loin) Maurice VIOLLETTE qui présidait la remise des prix aux élèves du Collège Rotrou. J'en ai gardé un souvenir toujours vivace et c'est en m'inspirant de lui surtout que j'ai rejoint le Grand Orient de France il y a maintenant 45 ans !
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    Il se promenait dans Dreux et était au contact de ses concitoyens. J'ai, comme beaucoup de jeunes drouais bénéficié des colonies de vacances qu'il avait initiées et surtout l'avant-dernière : Habère Poche.
    Le jour de son enterrement, je débutais les études d e médecine, j'ai été "réquisitionné" à l'hôpital pour participer à faire face à une éventuelle attaque terroriste contre le cortège. Heureusement il n'en fut rien. Il faut noter que dans le cortège figuraient des drapeaux algériens.

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    Il se promenait dans Dreux et était au contact de ses concitoyens. J'ai, comme beaucoup de jeunes drouais bénéficié des colonies de vacances qu'il avait initiées et surtout l'avant-dernière : Habère Poche.
    Le jour de son enterrement, je débutais les études d e médecine, j'ai été "réquisitionné" à l'hôpital pour participer à faire face à une éventuelle attaque terroriste contre le cortège. Heureusement il n'en fut rien. Il faut noter que dans le cortège figuraient des drapeaux algériens.

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