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Collectif Laïque d'Eure et Loir - Page 11

  • Aïd el Kebir, laïcité et alimentation…

    La fête du sacrifice (Aïd al-Adha en arabe) est la plus importante fête musulmane. Elle est également appelée "grande fête" (Aïd el-Kebir). Elle se déroule à la fin du pèlerinage à La Mecque, sur plusieurs jours dans les pays musulmans. En France surtout la première journée : cette année le 11 août. Prés de 200.000 moutons sont abattus à cette occasion. Cette tradition reste forte chez les musulmans de France, même si un autre animal (ovin ou bovin) peut être sacrifié ou si le sacrifice peut être remplacé par un don à des pauvres. Les abattoirs ne suffisent pas  pour faire face à un telle demande. Une circulaire interministérielle du 28 mai 2019 rappelle le cadre réglementaire et les conditions d’agrément des  abattoirs temporaires autorisés à fonctionner durant trois jours. Le ministère de l'Agriculture propose un dossier en ligne sur l'abattage rituel. Il a publié avec le ministère de l'Intérieur un Guide Aïd el Kebir Modalités d'organisation et d'encadrement de l'abattage 

    En Eure et Loir l'événement est suivi par Valérie Baudouin, journaliste à l’Echo républicain. Nous renvoyons ici vers plusieurs de ses articles. Elle décrit la mise en place d’un système de gestion de l'événement par les pouvoirs publics. La législation n’autorise pas l’abattage privé par les chefs de famille. Les amendes peuvent aller jusqu'à 3.000 euros par infraction et sont cumulables. Un marché au vif avec 1200 moutons, doté d’un abattoir mobile, perdure à Dreux. Il est cette année installé Chemin du Châtelet. Une trentaine d’abattoirs temporaires sont ainsi autorisés. Celui de Dreux a été mis sur pied par Gérard Lacroix, sous-préfet de Dreux de 2003 à 2007, avec la municipalité et les services vétérinaires, en concertation avec l'Union des citoyens musulmans de Dreux. Wassim Kamel, actuel sous-préfet, poursuit ce travail. Christian Du Plessis est l'éleveur chargé de la mise en œuvre. Cette configuration est bien conçue. Les musulmans peuvent suivre leur religion dans le cadre de la loi républicaine. Les pouvoirs publics veillent à une bonne mise en œuvre. Les gendarmes n’ont saisi cette année qu'une dizaine de moutons transportés  clandestinement. Ce dispositif a été installé en 2005. Bien entendu il n’y a pas de financement public.

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    Photo: L'Echo républicain

    Cette fête est l’occasion d’affirmer de façon plus générale les positions laïques en matière d’alimentation.  Il faut d’abord clairement rappeler que chacun se nourrit comme il l’entend. Pourtant les prescriptions et interdits religieux peuvent avoir un impact sur l’ensemble de la société. Beaucoup de médias et de réseaux sociaux évoquent régulièrement l’abattage rituel, qui se fait sans étourdissement des animaux, avec des images cruelles. La sensibilité à la souffrance animale est croissante. Cette question concerne la religion musulmane, mais aussi la religion juive. De plus le halal et le casher ne se limitent pas à l’abattage et sont devenus des marchés en expansion.  Un débat public rationnel est nécessaire. Il s’agit d’avoir les idées claires. Et pour cela d’établir des faits, de poser les bonnes questions et d’apporter des réponses précises conformes au droit positif et aux valeurs républicaines.

    Vers un débat public

    Donnons d’abord quelques chiffres. Le cabinet Solis, qui propose des études marketing « sur les cibles issues de la diversité multiculturelle », et le Groupe Xerfi, spécialisé dans les études économiques sectorielles,  estiment le marché du halal en France à 5,5 milliards d’euros. Soit autant que les marchés de la pizza ou du bio. Pour ce qui est du marché du casher, c’est le Bureau des affaires agricoles de l’ambassade des États-Unis à Paris qui propose une estimation : 380 millions d’euros. Si ces chiffres sont parfois discutés, c’est l’ordre de grandeur qui nous intéresse ici. Il est important et en expansion, même s’il est bien évident que toutes les personnes se définissant comme musulmanes ou juives ne suivent pas les prescriptions alimentaires des deux religions.

    Face à ces faits massifs, trois questions précises se posent du point de vue laïque. La première est celle de la taxe religieuse que les collectivités locales et les associations laïques proposant de la restauration collective ne doivent pas acquitter. La deuxième est celle de l’étiquetage de la viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement. La liberté de conscience de chaque citoyen exigeant que celui-ci aie droit à l’information sur la nourriture qu’on lui propose. La troisième question est celle du contrôle de la dérogation accordée à l’abattage rituel, indûment et trop largement utilisée par nombre d’abattoirs.

    La taxe d’abattage

    Des représentants des cultes se chargent des procédures d’exécution, de certification, de contrôle des produits et des procédures des abattoirs jusque dans les commerces et les restaurants. Dans chaque pays le contrôle de la cacherout est organisé. En France le Consistoire de Paris joue le rôle principal. Son tribunal, le « Beth Din », appose son label KBDP (Casher Beth Din de Paris). Depuis les années 90,  la grande mosquée de Paris, la mosquée d'Évry et la mosquée de Lyon sont agréées pour habiliter des sacrificateurs. Des  organismes de certification se sont créés et se sont multipliés.  La question de la taxe rétribuant la certification est posée. Son montant varie de 0,10 € et 1 € par kilo. La certification casher, ayant mis sur pied une organisation importante, est la plus coûteuse. Le montant global de cette redevance versée par les abattoirs aux organismes de certification (halal et casher confondus) approcherait des 50 millions d’euros par an. Elle constitue la moitié du budget du Consistoire de Paris. Elle est très diversement répartie entre les divers organismes de certification musulmans. Sa perception est devenue un enjeu de pouvoir.

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    Cette taxe ne doit pas être payée par les collectivités locales et les associations laïques. Elles ont en conséquence élaboré une organisation de la restauration collective ouverte à tous grâce à la diversité des menus. Cette organisation respecte le principe laïque de non subventionnement des cultes, par obligation légale pour les premières, par choix politique voire philosophique pour les secondes. Elles ne recourent pas aux filières halal et casher pour ne pas financer un culte. La mise en œuvre concrète de ces dispositions fait l’objet d’une brochure publiée en juillet 2016 par la Ligue de l’enseignement « Laïcité et restauration collective des enfants et des jeunes ». L’accent y est mis sur la volonté d’inclusion. Pour ce faire il faut mettre sur pied un service cohérent avec la législation générale, cette option politique d’ouverture et le respect de la laïcité. Cette brochure est un guide concret de mise en œuvre dans la vie quotidienne. Les mêmes dispositions se retrouvent dans le vade-mecum Laïcité publié par l’Association des maires de France (AMF) en novembre 2015.

     

    Etiquetage : le droit à l’information

    Depuis 2014 les animaux domestiques sont reconnus comme des « êtres vivants doués de sensibilité » dans le Code civil. C’était depuis longtemps le cas dans le Code rural et dans le Code pénal. L’intérêt croissant porté à la souffrance animale se traduit par des actions concrètes (contre la castration à vif des jeunes porcs ou la chasse à courre) et des revendications précises. L’une des principales porte sur le fonctionnement des abattoirs. Une commission d’enquête parlementaire a été constituée en mars 2016. La question spécifique de l’abattage rituel est reconnue comme légitime. Elle est soulevée depuis des années par toutes les associations de défense des animaux, en particulier l'Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs (OABA). Celle-ci est la seule à disposer d’un pouvoir d’inspection dans ces lieux.

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    En 2011 huit organisations de protection des animaux se sont réunies pour lancer une campagne d’information et exiger un étiquetage. Un site est dédié à cette campagne www.abattagerituel.com  Ces associations veulent une information des consommateurs. Ceux-ci sont des citoyens qui ont le droit de choisir la viande qu’ils consomment en connaissance de cause.  A ce jour les étiquettes des viandes bovines et ovines peuvent comporter le nom du morceau, le poids, le prix au kilo, le prix net, la date d’emballage, la date limite de consommation, le numéro de lot, le lieu d’abattage, le numéro d’agrément de l’établissement de découpe, le lieu de naissance, le lieu d’élevage. Mais toujours pas le mode d’abattage. Une simple mention est demandée « Viande provenant d’animaux abattus avec étourdissement ». Ce droit à la transparence fait partie de la liberté de conscience des personnes qui se donnent des devoirs à l’égard des animaux.

    La dérogation religieuse et ses abus

    Quelle est la réglementation applicable ? En Suède, en Norvège, en Suisse, au Lettonie, en Islande… l’étourdissement est une obligation générale. Il n’y a pas de dérogation. La réglementation européenne (à caractère non obligatoire pour les pays membres) reprend cette obligation, tout en accordant une dérogation pour l’abattage rituel. Les mêmes dispositions (obligation d’étourdissement avec dérogation) existent en France, inscrites dans l’article R 214 du Code rural. Un problème est constamment évoqué par les associations. La dérogation accordée est devenue disproportionnée : l’abattage sans étourdissement se présentant selon le mode rituel halal et casher excède très largement la consommation par les pratiquants des deux religions concernées. Un décret du 28 décembre 2011 impose pourtant aux abattoirs autorisés à mettre en œuvre cette dérogation « un système d'enregistrements permettant de vérifier que l'usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales qui le nécessitent ».

    Cet état de fait est reconnu par le Comité permanent de coordination des inspections (COPERCI) en 2005. Pour une consommation  « religieuse » évaluée à 7 % de la production, 80 % des ovins, 20 % des bovins et 20 % des volailles sont abattus sans étourdissement. Et ce calcul est revu à la hausse à deux reprises. Une enquête du Ministère de l’Agriculture effectuée en 2007 fait état d’une proportion d’animaux abattus en mode rituel dans toute la France de 32 %.  Selon un audit confidentiel rédigé par des experts et hauts fonctionnaires du Ministère de l’Agriculture remis en novembre 2011, rendu public par « Le Point » le 07 Mars 2012, 40% des bovins, 58% des ovins, 26% des veaux et 22% des caprins ont été abattus en mode rituel, soit 51% des animaux. La dérogation tend à devenir la règle, les raisons économiques tentant de se justifier par les raisons religieuses. Le décret du 28 décembre 2011 doit être appliqué. Les conflits locaux, les controverses mal gérées, les arrière-pensées… foisonnent sur ce sujet. Il fait partie des fameux sujets qui fâchent, et qui, donc, doivent trouver des solutions concrètes grâce à des échanges rationnels. La paix civile se construit chaque jour. La laïcité en est une des principales garantes.

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    DR: Kastet,vétérinaire et dessinateur. Son blog: http://kastet.over-blog.net/

    Histoire populaire de l'Eure-et-Loir

    Le Cercle Condorcet-Viollette propose en ligne l'Histoire populaire de l'Eure-et-Loir 

    cercles_condorcet_RVB_couleur.jpgLes Cercles Condorcet sont affiliés à la Ligue de l'enseignement. Mouvement d'éducation populaire laïque, la Ligue est une confédération réunissant des Fédérations départementales, dont celle d'Eure et Loir.  La Ligue est aussi un mouvement d'idées. Les initiatives des Cercles sont accompagnés par une édition "Cercles Condorcet" sur Médiapart. La Ligue anime également une édition "Laïcité". 

  • Journée nationale des Ecoles Fleuries mercredi 19 juin

    Le mercredi 19 juin les Délégués Départementaux de l'Education Nationale (DDEN) d'Eure et Loir organisent comme chaque année le concours des Ecoles fleuries. 

    Le concours 2018-2019 est intitulé "Du développement durable vers les écoles fleuries".

    Il se déroule à Pontgouin, au Jardin de l’école, 2 rue L.Pasteur, Route de DIGNY
    Un parking se trouve de chaque côté de l’école. 
    Voici l'invitation adressée par les DDEN:

    "Nous serions très honorés par votre présence le Mercredi 19 juin 2019,de 10h à 12h
    lors de la cérémonie de lecture du palmarès et la remise des récompenses clôturant le dernier concours des Ecoles Fleuries qui sera remplacé la prochaine année scolaire par le concours “Se construire citoyen“ qui pourra éventuellement inclure les objectifs actuels concernant l’éducation au développement durable.

    Les enfants ayant participé au concours seront accueillis dès 9h30 pour participer à des ateliers en rapport avec les objectifs du concours. Une exposition des travaux d’élèves sera présente sur le site.

    Un verre de l’amitié sera offert par la municipalité de Pontgouin.

    Monique JULIEN-CHALMEL, Présidente de l’Union28 des DDEN"

    Pour l'inscription, envoyer un simple courriel à monique.julien@orange.fr

    Le concours des Ecoles fleuries est national. C'est un projet éducatif d’apprentissage au jardinage, au fleurissement et à la citoyenneté, avec le soutien du Ministère de l’Education nationale

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    Un diplôme de 2018, remis dans le département du Nord. 

    Histoire populaire de l'Eure-et-Loir

    Le Cercle Condorcet-Viollette propose en ligne l'Histoire populaire de l'Eure-et-Loir 

    cercles_condorcet_RVB_couleur.jpgLes Cercles Condorcet sont affiliés à la Ligue de l'enseignement. Mouvement d'éducation populaire laïque, la Ligue est une confédération réunissant des Fédérations départementales, dont celle d'Eure et Loir.  La Ligue est aussi un mouvement d'idées. Les initiatives des Cercles sont accompagnés par une édition "Cercles Condorcet" sur Médiapart. La Ligue anime également une édition "Laïcité". 

     

  • On ne peut plus être laïque sans être féministe !

    Danièle Bousquet, présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes,  a fortement affirmé: «Il faut travailler à ce que le combat pour la laïcité devienne un combat féministe». Cette intervention s'est déroulée dans le cadre des nouvelles Rencontres laïques organisées par la Ligue de l'enseignement le 22 janvier devant les membres d'une trentaine d'organisations. C'était la première édition. Elle était consacrée au thème "La Laïcité et l'égalité femmes hommes". La prochaine édition, prévue le 5 juin aura pour thème "La Laïcité et la liberté d'expression". 

    Voici la transcription intégrale de l'intervention de Danièle Bousquet. 

    La laïcité a été conçue au début du XXè siècle par une génération d’hommes politiques, mais les femmes étaient invisibles, tout au moins comme actrices de la société ; la société des citoyens était neutre, ce qui, dans la langue française, signifie exclusivement masculine. Les grandes figures laïques de l’époque témoignent d’une surdité totale aux aspirations égalitaires des femmes et furent même souvent des apôtres du machisme politique : les femmes, toujours enfermées dans le particulier, la femme, considérées comme une minorité. Pire, pour nombre de fervents laïques, nous étions les femmes, éminemment suspectes puisque, disaient-ils, trop prisonnières de cette « nature féminine » qu’ils avaient inventée pour nous y assigner, trop vulnérables aux sentiments pour accéder à la Raison.

    Nous avons entendu le mouvement laïque nous parler de lutte contre les discriminations, contre le racisme, l’antisémitisme : jamais de lutte contre le sexisme. Et dans les débats au sein des mouvements laïques, la place de l’égalité des sexes a toujours été marginalisée et la situation des femmes n’a été prise en compte que très récemment, lorsque la question est devenue brûlante. Ce qui est important pour notre réflexion aujourd’hui, c’est de dire que la Révolution française n’a pas reconnu les droits des femmes et que cela a duré puisque la loi sur la laïcité date de 1905, et celle sur le droit de vote des femmes arrivera 70 ans plus tard. 
    Malgré son exemplarité réelle en matière de laïcité, la société française a continué à avoir un rapport ambigu avec un ordre moral aux relents clairement religieux qui ne faisait aucune place à l’égalité des sexes.

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    Danièle Bousquet

    Évolution de la laïcité à travers la lutte pour l’IVG

    Ce qui a été déterminant dans l’évolution de la laïcité en direction des droits des femmes, cela a été la lutte pour le droit à l’IVG dans la décennie 1970. Car les femmes s’affranchissent du poids des religions par les revendications de disposer librement de leur corps, de leur esprit, et d’avoir la maîtrise de leur désir d’enfant. Si laïcité et Révolution n’ont pas reconnu d’emblée l’égalité entre les hommes et les femmes, est-ce que, pour autant, la laïcité n’était pas importante pour les droits des femmes ? Évidemment oui, car la laïcité a ouvert la voie pour la lutte vers la démocratie.

    Est-ce qu’on pourrait imaginer, si la laïcité n’était pas instaurée et reconnue, ce que serait, en France, pour les femmes, l’accès au droit à disposer de leur corps sous le pouvoir de l’Église catholique ?

    L’Histoire a tranché : les femmes, au bout du compte, ont pu s’appuyer sur la laïcité pour faire avancer leurs droits et exiger de la République leur reconnaissance. Et aujourd’hui, les femmes le savent bien : tout recul de la laïcité signifierait pour elles une remise en cause de leurs conquêtes, si l’Eglise faisait la loi, n’importe quelle Eglise, que ce soit la loi islamique, juive ou catholique. Dès l’instant où la religion devient la loi, l’égalité des sexes est finie. Pourquoi ? La question mérite qu’on y réfléchisse et il y a deux mots dans cette révolution de la laïcité qui sont importants : justice (qui est synonyme d’égalité), et émancipation. 
    La laïcité est une émancipation de la loi religieuse : en effet, comment lutter pour l’autonomie des femmes si on leur fait croire que c’est leur dieu qui a ordonné. Car l’obéissance aux prescriptions divines se matérialise par l’obéissance aux hommes, détenteurs de la pensée et de la parole révélée. A l’inverse, la laïcité porte un message objectif : celui des valeurs républicaines que sont la liberté, l’égalité (dont celle entre les femmes et les hommes) et le respect de la démocratie.

    Qu’est-ce qui explique qu’aujourd’hui la laïcité fasse problème dans notre société ?

    Beaucoup répondraient que c’est «la faute à une nouvelle religion, l’Islam !» dont les principes seraient résolument contraires à ceux de la République. Cette réponse, entendue mille fois, n’a que l’apparence de la clarté et de la justesse. Ce qui est en cause, c’est la définition de religion dans ses rapports avec l’ordre public, entendu au sens large comme l’ensemble des principes fondamentaux de la démocratie. Cette remise en cause actuelle montre que la loi de 1905 n’a pas clôturé définitivement le champ de la laïcité, car des situations se trouvent en marge de ce texte, mais aussi parce que l’évolution sociale a ouvert de nouvelles questions qui n’étaient pas prévues il y a un siècle. 
    Par exemple, la place spécifique de l’égalité femmes/hommes dans les champs de la laïcité n’est pas strictement définie, ni par la loi, ni par les penseuses/penseuses ancien.nes et actuel.les de la laïcité. Dans les faits, l’égalité femmes/hommes est cependant très étroitement liée au principe de laïcité pour une raison très simple : parce qu’elle tient les religions à l’écart de la sphère publique, la laïcité protège les progrès de l’égalité ! Il faut rappeler que la laïcité n’est pas la destruction des croyances, mais la distinction entre ce qui relève de la croyance et ce qui est du domaine de la connaissance.

    L’État laïque ne tient sa légitimité d’aucune religion, ne professe aucune croyance religieuse et ne se mêle d’aucune, tout en assurant aux agnostiques et athées une pleine liberté de conscience. Cela signifie que la laïcité organise une société dont tous les membres sont juridiquement et politiquement égales/égaux, indépendamment de l’origine, du sexe, des options philosophiques ou religieuses. Cela signifie aussi que la laïcité refuse toute implication de l’État dans les affaires religieuses, et toute implication des religions dans les affaires politiques, dit autrement qu’elle ne laisse aucune religion imposer ses prescriptions. 
    Ces principes de la laïcité, on le voit bien, sont essentiels pour garantir les droits des personnes, dont les droits des femmes. C’est ainsi que les lois doivent permettre le plein exercice des droits des filles et des femmes, à égalité avec les garçons et les hommes, contribuant ainsi à éliminer les discriminations qui les assujettissent à un statut d’infériorité caractérisé par la dépendance et la soumission à de nombreux interdits spécifiques à leur appartenance de genre, c’est le patriarcat dont le sexisme est le bras armé.

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    Les grandes religions monothéistes organisent la domination masculine

    Il faut insister sur le fait que les grandes religions monothéistes dans leurs diverses déclinaisons sont les pires ennemis des femmes et de leur émancipation, en ce qu’elles sanctuarisent, organisent, transmettent et font fructifier la domination masculine née du patriarcat. La laïcité a donc donné aux combats des femmes une légitimité que les religions leur déniaient en voulant dicter leurs propres règles à l’ensemble de la vie sociale. Alors que jusqu’aux années 1980 le principe de laïcité a été parfaitement intégré par les religions qui s’en trouvaient bien, aujourd’hui, les religions chrétienne et juive sont tentées elles aussi par des retours en arrière, et certaines nostalgies se réveillent. On observe qu’une réelle désagrégation du tissu social favorise l’émergence de groupes intégristes qui interviennent au mépris des valeurs citoyennes. 
    Et ces groupes utilisent tour à tour un discours hypocrite de protection des femmes ou un discours d’intimidation, en cherchant à imposer leur façon de voir sur la société en général et sur les femmes en particulier. Et comme ils se rendent compte que le mouvement laïque reste généralement insensible et surtout tend à ne pas réagir aux attaques contre les femmes, ils s’attaquent donc à ce point «faible».

    Dans un contexte de tension économique, sociale et culturelle, voire idéologique, depuis les années 1980, on voit émerger et prospérer des revendications identitaires : 
    – fondées sur la religion 
    – portées par les radicaux qui ne se définissent plus par leur appartenance à la République, mais par telle ou telle religion.
    La lutte contre les intégrismes est une lutte vitale pour l’avenir, l’avenir des femmes et une société démocratique, et à ce titre la défense de la laïcité est d’une brûlante actualité. En effet, elle subit l’assaut de tous les intégrismes, que ce soit au niveau national, européen ou mondial. Et les femmes sont les premières victimes des extrémismes religieux, car la règle de base est la soumission absolue à l’autorité du père ou du mari.

    Il ne s’agit pas alors de religion, mais d’une idéologie totalitaire qui, sous le couvert de la religion, cherche à s’emparer du pouvoir politique. Ces idéologies visent la soumission des femmes et l’élimination de leurs droits humains et il s’agit là d’une véritable guerre idéologique qui vise à installer un ordre sacré sur la Terre. Je le dis à nouveau, aucune religion n’est épargnée par cette dérive, dès l’instant où elle se transforme en source de loi et entend dicter des règles à la vie terrestre et à la gouvernance de la cité, qui est l’affaire du seul politique. 
    Toute insoumission au diktat est qualifiée d’hostilité envers Dieu. La même logique sert à préserver l’ordre religieux par l’infériorisation des femmes et des homosexuel.les, une hiérarchisation discriminante des croyances et le bannissement des libertés individuelles. Ces mouvements intégristes rejoignent en cela les perspectives des mouvements identitaires fondés sur l’idéologisation du christianisme et du judaïsme. Bien qu’en concurrence, ces derniers savent s’allier pour mieux contrer les avancées des droits humains.

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    La lutte pour le mariage homosexuel et les ABCD de l’égalité

    Ce qui s’est passé en France autour du mariage homosexuel et des ABCD de l’égalité en est un exemple et se produit sous diverses formes au sein d’instances internationales chaque fois qu’il est question de l’égalité des sexes, des droits sexuels, de la liberté de conscience, etc… au prétexte de la sauvegarde d’une identité culturelle, au CSW ou au Conseil de l’Europe par exemple. Le débat autour de la laïcité s’imprègne donc de nouvelles revendications issues de milieux musulmans français qui se mettent à réinterpréter la notion de laïcité et la place de la religion dans la société. Ils appellent à une laïcité dite «positive», «inclusive», ou encore «ouverte», c’est à dire qui intègre le «relativisme culturel». C’est ainsi qu’en 2013 nous avons assisté à un phénomène étonnant qui transcendait les frontières du débat sur la place des religions dans l’espace public, en voyant naître des alliances entre islamiques, catholiques conservateurs et l’extrême droite. Les deux enjeux contre lesquels se fédère cette coalition sont les droits des femmes et les droits des homosexuel.les.

    Ces conservateurs des religions interprètent la liberté religieuse comme si la religion faisait partie du code civil, des différents codes juridiques, et pouvait être la loi. A l’évidence, ce n’est pas le cas, et c’est toute la différence entre la «religion-loi» et la «religion-croyance» qu’on retrouve dans la conception laïque. L’émancipation va avec cette désacralisation des lois qui ne sont plus décrétées au nom de Dieu, mais au nom des citoyen.nes.

    La laïcité est un bien précieux, à défendre sans faiblesse, car elle est protectrice des droits des femmes, indissociable du combat en cours pour leur émancipation, ce combat toujours inachevé. Dans la France qui est la nôtre, l’exigence laïque est indissociable des politiques publiques d’égalité et de nouveaux champs de liberté qui s’ouvrent depuis quelques années, comme celui de vivre sa sexualité librement. Dès que la religion (les textes) devient la source des lois qui se disent sacrées, les mêmes interdits et les mêmes contraintes par rapport aux femmes et à la sexualité sont imposés. Et ceci pour préserver la structure patriarcale de la famille, cellule de base de la communauté, menacée par la liberté sexuelle des femmes et par leur droit à maîtriser leur corps.

    Il nous faut donc inventer des réponses à des questions qui n’ont jamais été posées, à des problèmes sans précédent et donc inventer une stratégie : ce qui est l’objet de toutes les attaques, ce sont les femmes, c’est pourquoi il faut allier laïcité et droits des femmes. Il faut travailler à ce que le combat pour la laïcité devienne un combat féministe en réaffirmant que l’universalisme, qui est le combat des féministes, doit gagner contre tout relativisme culturel.

    Danièle Bousquet, 
    Présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes

    Histoire populaire de l'Eure-et-Loir

    Le Cercle Condorcet-Viollette propose en ligne l'Histoire populaire de l'Eure-et-Loir 

    cercles_condorcet_RVB_couleur.jpgLes Cercles Condorcet sont affiliés à la Ligue de l'enseignement. Mouvement d'éducation populaire laïque, la Ligue est une confédération réunissant des Fédérations départementales, dont celle d'Eure et Loir.  La Ligue est aussi un mouvement d'idées. Les initiatives des Cercles sont accompagnés par une édition "Cercles Condorcet" sur Médiapart. La Ligue anime également une édition "Laïcité".